By Daniel Pagé
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LesAffaires.com , Dany Provost

Avec l’annonce, mercredi, de la hausse du taux directeur de la Banque du Canada de 0,25 %, plusieurs personnes se questionnent sur la suite des choses et craignent de ne pouvoir faire face à leurs obligations. À quoi ressemblera le futur? Devrait-on en profiter pour «geler» son taux hypothécaire pendant plusieurs années? Regardons les choses de façon rationnelle.
Avant d’aller plus loin, voyons ce que c’est, ce fameux «taux directeur».
Il s’agit du taux d’intérêt que la Banque du Canada souhaite voir appliquer sur le marché (libre) appelé Système de transfert de paiements de grande valeur, ce marché où les 16 institutions membres, dont la Banque elle-même, se prêtent de l’argent sur une base quotidienne.
Ce taux constitue le milieu d’une fourchette de 0,5 % dont la limite supérieure, le «taux officiel d’escompte» étant le taux auquel la Banque accorde ses prêts et la limite inférieure étant le taux qu’elle crédite sur les dépôts laissés par les institutions. Le taux directeur peut être modifié huit fois par année, la prochaine date étant le 6 septembre prochain.
La principale raison qui motive la banque centrale à modifier ce taux est qu’il entraîne une cascade de hausses, lesquelles ont des répercussions sur l’économie.
Les institutions financières ajustent leurs différents taux en fonction du taux directeur. Lorsque les taux montent, l’économie ralentit –les gens et les entreprises empruntant moins– et inversement. On comprend donc que le taux directeur est un outil servant notamment à contrôler le niveau d’activité économique. Si la Banque craint (ou constate) que le taux d’inflation grimpe à plus de 2 % sur une année, elle haussera son taux directeur. Si le taux d’inflation est trop faible, elle réduira ce taux afin de stimuler l’économie.

Les effets sur votre prêt

Comment avez-vous réagi le 8 septembre 2010? Vous ne vous en souvenez pas? C’est la dernière fois que le taux directeur a augmenté. C’était également de 0,25 %. Pourtant, il venait d’augmenter aussi de 0,25 % moins de deux mois avant… Vous n’avez pas été probablement traumatisé. Et bien l’histoire se répète. Est-ce différent cette fois-ci?
Il est à se demander si l’économie va si bien que cela. Les pronostics économiques de la Banque ne sont pas à écarter. Cette hausse donne légèrement plus de marge de manœuvre à la Banque pour abaisser son taux si jamais l’économie ralentissait. Les conséquences, n’en déplaise aux alarmistes, ne seront probablement pas pires que celles de la dernière hausse.
Regardons maintenant les effets sur un prêt hypothécaire.
D’abord, l’impact sur les versements. Supposons que votre taux d’emprunt actuel est de 3,5 %. Si votre taux montait à 3,75 %, chaque tranche de 100 000 $ vous coûterait 13,29 $ de plus par mois pour un amortissement de 25 ans, soit des versements de 512,56 $ au lieu de 499,27 $. Sur une durée réduite à 15 ans, la différence serait de 12,15 $, soit 725,79 $ au lieu de 713,64 $.
On pourrait ainsi faire un immense tableau qui vous montrerait l’impact mensuel, selon le solde actuel de votre prêt, sa durée restante et l’augmentation prévue des taux. Mais avec les chiffres qui précèdent, vous êtes en mesure de faire une estimation des effets de votre situation avec une simple règle de trois.
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Devrait-on geler son taux?

Comme c’est le cas la plupart du temps, les taux variables sont inférieurs aux taux fixes. Le principal risque associé aux taux variables est qu’ils puissent augmenter à un niveau tel qu’il aurait été préférable d’opter pour un taux fixe. Mais pour que le choix du taux fixe soit avantageux, il faut que les taux grimpent de façon marquée.
Prenons un exemple.
Disons qu’un taux variable est actuellement de 2,25 %. C’est ce taux qu’on applique sur le solde hypothécaire. Avec un amortissement de 25 ans, cela donne des mensualités de 435,61 $ pour chaque tranche de 100 000 $ de prêt.
Cependant, les institutions financières, dans un objectif de protection, vont calculer les versements sur un taux supérieur. Comme on paie plus que ce qui est requis, la différence constitue un remboursement de capital. Disons que ce taux théorique, servant à calculer les versements, est de 4,25 %. Les versements réels seraient ainsi de 539,66 $. La différence de 104,05 $ est donc le remboursement de capital.
Avec un tel scénario, le prêt serait raccourci à une durée de 19 ans, grâce au remboursement de capital accéléré. On sauve donc 6 ans par rapport à l’échéancier initial de 25 ans.
Comparons cette situation avec un taux fixe 5 ans. Nous avons vu que les versements mensuels seraient de 499,27 $ avec un taux de 3,5 %.
Dans cinq ans, il resterait ainsi un capital de 77 609 $ à rembourser avec le taux variable et 86 280 $ avec le taux fixe, 8671 $ de plus. Mais on ne compare pas des pommes avec des pommes, ici, car les versements sont plus élevés (539,66 $ au lieu de 499,27 $ à chaque mois pendant 60 mois pour un total de 2 423 $) avec le taux variable. C’est quand même une économie de 6 248 $ nette.
Regardons maintenant quelle serait la hausse de taux requise maintenant pour qu’il ne reste que 86 280 $ (le solde qui restera avec un taux fixe de 3,5 %) à payer dans 5 ans avec un taux variable. La réponse…1,78 % pendant toutes les cinq années!
Cela signifie que la hausse actuelle de 0,25 %, si elle est refilée intégralement par votre institution sur votre taux variable, est 7 fois moins élevée que celle qui serait nécessaire pour annuler l’avantage de votre taux variable.
Il faut remonter à décembre 2008 pour voir le taux directeur à 2,25 %, soit 1,75 % de plus qu’il n’était avant la hausse de mercredi. Encore une fois, on ne compare pas des pommes avec des pommes, étant donné que les versements sont légèrement différents.
Souvenez-vous d’un élément crucial: une hausse de taux ralentit l’économie. La Banque ne peut ainsi se permettre d’augmenter rapidement son taux directeur. Et 5 ans, ça passe vite.
Geler pour 10 ans, une meilleure solution? Réponse courte: plutôt une grave erreur.
La réponse nuancée: actuellement, peu d’institutions financières offrent des taux sur 10 ans à moins de 4 %, la plupart se situant plutôt à plus de 6 %.
Avec un taux de 6 %, les versements, toujours sur 100 000 $ pendant 25 ans, grimpent à 639,81 $ par mois! Le solde du prêt, après 10 ans, est de 76 178 $. Vous me voyez venir?
Or, si vous optez pour un taux fixe de 5 ans à 3,5 % aujourd’hui, à quel taux devriez-vous renouveler votre taux fixe 5 ans, dans 5 ans, pour que le taux de 10 ans soit avantageux?
Au moins 8,80 %!
Un équivalent de versements d’au moins 756,42 $.
Une chose est sûre et certaine, le prix de la paix d’esprit que cela pourrait vous procurer est très élevé! Pensez-y.

LesAffaires.com , Dany Provost

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