Poursuivre son inspecteur préachat

Dans les congrès d'inspecteurs en bâtiment, il suffit de tendre l'oreille pour entendre des bribes d'histoires de mises en demeure et de poursuites.

« Ma cliente a essayé de poursuivre le vendeur. Ça n'a pas marché, donc elle s'essaie avec moi », dira l'un.

« Ils ont effectué la réparation trois ans après l'achat. Dans la mise en demeure, ils me reprochent de ne pas avoir écrit que la réparation était urgente », dira l'autre.

« C'est son courtier qui lui a suggéré de me poursuivre, en lui disant que les inspecteurs ont des assurances pour ça », raconte un autre inspecteur.

La plupart de ces mésaventures n'iront pas tellement plus loin que l'étape de la mise en demeure. En général, les acheteurs sont mal informés sur la nature du travail des inspecteurs préachat. Certains courtiers et de nombreux avocats les encouragent à intenter une poursuite, même quand la responsabilité de l'inspecteur est difficile à démontrer.

«En immobilier, il y a effectivement une culture où dès que l'acheteur découvre un problème et qu'il doit payer 1000 $, il a tendance à crier au vice caché.

»

Me Martin Janson
Avocat chez Janson Larente Roy

La responsabilité des vices cachés n'incombe pas à l'inspecteur préachat, mais plutôt au vendeur, en vertu de la « garantie légale de qualité ». L'inspecteur est responsable des vices apparents qu'il aurait dû voir lors de l'inspection.

Pour poursuivre avec succès son inspecteur préachat, il faut démontrer que :

  • le vice était présent au moment de l'inspection préachat;
  • le vice était apparent (et non caché);
  • un inspecteur compétent aurait dû découvrir le vice ou en repérer les indices.

Si la fissure de fondation était cachée par de la neige ou une corde de bois lors de l'inspection, ce vice n'était pas apparent. Si l'intérieur d'un mur est complètement moisi par l'humidité et que des taches de moisissures étaient visibles au bas du mur lors de l'inspection, alors oui, l'inspecteur pourrait être déclaré responsable.

Dans d'autres cas plus complexes, inspecteur et vendeur pourraient être reconnus responsables conjointement et devoir dédommager l'acheteur dans des proportions déterminées par le juge.

Tous poursuivis

Les acheteurs incluent souvent l'inspecteur préachat dans une poursuite en vice caché. Ils font le pari que si le juge en arrive à la conclusion que le vice était apparent plutôt que caché, ils obtiendront alors dédommagement de la part de l'inspecteur, qui est dans l'obligation de contracter une assurance erreur et omission, en général par l'entremise d'associations professionnelles.

Me Martin Janson ne croit pas qu'il s'agisse d'une bonne stratégie. « Je préfère toujours faire mon lit dès le départ et choisir ma cause, explique-t-il. Si je choisis d'aller en vice caché, j'aurai alors l'inspecteur préachat de mon côté pour m'aider à faire la preuve à l'encontre du vendeur que le vice n'était pas apparent, mais bel et bien caché. »

L'inspecteur préachat qui reçoit une mise en demeure peut choisir de régler la question à l'amiable, en offrant par exemple de payer la réparation. On lui recommande cependant de toujours saisir son assureur du dossier. L'assureur et la partie adverse feront intervenir des experts et, dans la majorité des cas, le cas sera réglé avant un procès.

Heureusement pour les acheteurs, le travail des inspecteurs préachat gagne peu à peu en rigueur, grâce entre autres aux efforts de l'Association des inspecteurs en bâtiment du Québec, qui impose à ses membres une norme de pratique très détaillée.

« Les rapports d'inspection d'aujourd'hui sont nettement plus professionnels et complets que ceux d'il y a 10 ans », affirme Me Martin Janson.

Note aux lecteurs : l'auteur de ce texte est membre de l'Association des inspecteurs en bâtiment du Québec.

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